Les Dames en violet

Mémère Aline était une grand-mère toute petite mais grande dame, forte femme au franc-parler lorrain.

Cette femme de bien et de rire avait appris à ne pas gâcher. Aussi, à l'époque de récolter les prunes, elle y allait sans rien demander à personne, même courbée sous ses soixante-quinze ans.

Que diable, ce n'était plus une gamine et elle ne voulait pas pedre les quelques fruits qui restent encore sur l'arbre après l'avoir secoué !

En Lorraine on ne rigole pas avec la récolte des prunes. Il y a un rang à tenir !

Mémère Aline ne le savait peut-être pas, elle qui rigolait volontiers, mais elle n'aurait jamais laissé perdre de la nourriture, ni une occasion de faire sa petite gnôle.

Elle prenait donc son escabeau et grimpait dans l'arbre.

- Qu'est-ce que tu fais Mémère ?
- Je cueille les « dames en violet ».

Les « dames en violet », ou plutôt Damas violet, les fameuses quetsches des alsaciens, proviennent en réalité de Syrie où les Français avaient assiégé Damas qui résista si vaillamment...

qu'ils s'en retournèrent comme ils étaient venus, avec juste les fameuses prunes. L'expression « pour des prunes » - pour rien - viendrait de là.

Mais les lorrains ne font rien pour des prunes, justement, puisque la France est maintenant au quatrième rang de la production mondiale derrière la Chine, les Etats-Unis et la Pologne. Et en France, c'est la Lorraine qui est en tête.

Mémère Aline, quant à elle, est toujours montée dans son prunier pour quelque chose.

Ne serait-ce que pour prouver au monde que la petite taille et l'âge n'entament ni la vaillance ni la détermination.

Gateau lorrain aux quetsches

La Prune, c'est du bon.