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30 nov. 2007

La malédiction de la Mère Chanard







Au détour d'un forum, je lis un appel à témoin :

"L'école vous a-t-elle aidé à vous sentir intelligent ou au contraire à vous sentir bête? Racontez-nous un souvenir d'école : le jour où un prof vous a fait ressentir votre bêtise ou au contraire le jour où un enseignant vous a enfin donné confiance en vos capacités..."



Aussitôt, est remontée à ma mémoire la Mère Chanard. Cette bonne femme sévissait à l'école communale d'Istres, place Roger Salengro. Je m'en souviendrai toute ma vie.


J'ai été parachutée dans cette école primaire à la suite d'un déménagement. Mes parents et la directrice avaient décidé de me faire sauter une classe. A sept ans je me suis retrouvée en CM1. Venant d'une autre région, au début j'écrivais n'importe quoi dans mes dictées car je ne comprenais rien à cause de l'accent très prononcé de la maîtresse. Elle lisait mes cahiers à haute voix pour faire s'esclaffer toute la classe. Rapidement j'ai intégré le CE2 où j'arrivai déjà en position d'infériorité, comme une sorte d'usurpatrice du fait de cette apparente
rétrogradation. J'étais donc trop bête pour faire une dictée contenant des mots normaux.


Je garde un souvenir cuisant de l'institutrice de CE2, madame Chanard. Nous étions 43 élèves dans cette section. Nos places sur les pupitres étaient fonction de notre classement qui avait lieu tous les mois. Les cancres au fond, bien entendu ! C'est là que j'ai appris à tricoter avec une copine qui dévalait des kilomètres de laine et de coton sous son pupitre pour habiller toute sa famille (ça, en revanche, c'est un bon souvenir ;-)). Ouarda, si tu te reconnais, sache que je te vouais une admiration sans borne pour ta dextérité et ton côté philosophe.


Quand nous récoltions un zéro, nous avions droit à une fessée publique, culotte baissée : il ne fallait pas la salir au cas où nous aurions fait pipi de peur (ce qui arrivait régulièrement). Je me souviens de cette suprême humiliation dans tous ses détails. Elle nous ordonnait le silence. Puis elle approchait du banc de la mauvaise élève, la faisait lever en la tirant par le bras, lui entourait la taille fermement, relevait la jupe et baissait la culotte avec la dextérité de l'habitude pour asséner deux ou trois fortes claques sonores.
La classe ricanait en choeur à ce moment là, en commentant l'anatomie de la victime, la qualité et la couleur de ses dessous. Je n'ai jamais pu rire avec les moqueuses. Encore maintenant, je déteste la moquerie et le cynisme. Elle remettait prestement les vêtements en place et retournait à grands pas vers son bureau juché sur une estrade tandis que l'élève devait rester debout à côté de son banc jusqu'à ce qu'elle reçoive l'ordre de s'asseoir.

Je ne lui ai surtout pas fait le plaisir de pleurer à la première et unique fessée reçue de sa part. Ma mère est venue le jour même lui parler et cela ne s'est pas reproduit. Mes parents considéraient le châtiment corporel comme leur prérogative. Il y avait aussi les coups de règle sur les doigts, le piquet derrière le tableau et d'autres gentillesses de ce genre assez courantes à l'époque. Chaque table de multiplication représente pour moi un multiple de nombre de coups de règle. Mais j'avais le privilège d'échapper à ce type de punition en classe, qui n'avait lieu désormais qu'à la maison.




Un contexte peu propice pour apprendre. J'en ai conçu rancoeur et méfiance à l'égard du corps enseignant et aussi, hélas, à l'égard de ce que l'on m'enseignait.

Après que mon oreille se fut exercée à l'accent du Midi, mes mauvaises notes sont restées cantonnées principalement à l'arithmétique. J'ai été une élève médiocre durant tout le reste de ma scolarité. Heureusement, au lycée, j'ai eu une prof de Français qui m'a beaucoup encouragée, tout comme notre prof de philo en terminale. J'en garde également un souvenir très vif. Enfin, dans ces deux matières, les élèves avaient le droit de penser, de discuter, de critiquer, du moment qu'ils argumentaient. Il faut dire que le lycée c'était entre 1969 et 1971. Beaucoup de choses avaient changé à l'école et nous débattions passionnément de littérature et de philosophie. Je peux dire que j'ai réussi à m'approprier ces deux matières pour apprendre avec plaisir.

Un peu tard peut-être pour l'école mais pas pour la vie.

Je suis restée plutôt hermétique au calcul mental et au raisonnement mathématique en général. Ce n'est qu'à l'âge de 35 ans que j'ai décidé de devenir comptable pour tenter de conjurer "la malédiction de la mère Chanard" !


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Et il reste des gens pour dire que 1968 ne fut pas une révolution ! Hep ! Vous avez remarqué ? Le chiffon qui se cache derrière le tableau noir est rouge.... Et puis, c'est pas mal comme prétexte pour justifier mon cerveau imperméable aux maths ;-))

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