Bonjour à vous qui passez par là. Merci de votre visite. Laissez-moi un petit commentaire, ça fait toujours plaisir.

13 mars 2008

Post-it






Vraie-fausse fiction-éclair de bureau


C'est fou ce que les déménagements ont de salutaire parfois.
Votre bureau tourne sur la rose des vents. Dans l'angle sud, le paysage change du tout au tout. La vue sur le boulevard périphérique, au mouvement permanent, stimule votre créativité, au lieu de ces bêtes branches d'arbres, parfois habitées d'oiseaux, qui ne faisaient que vous entraîner dans des rêveries stériles.

Quelquefois, la boîte vous fait l'honneur d'emménager dans un nouvel immeuble, prétendument ultra-moderne, mais surtout plein de vitres fumées qui décalquent la moindre empreinte digitale, essuyée en fin de journée par le chiffon de l'homme d'entretien. Le temps pour la Sécurité d'enregistrer votre ADN et de le comparer au nombre de passages de votre badge dans le tourniquet électronique.

Une sonde ultra-sensible, là-haut sur le toit-terrasse, enregistre la température extérieure et commande la régulation thermique de la climatisation. A cause de sa fragilité, on l'a érigée à l'ombre d'un tuyau d'évacuation des fumées. L'immeuble est donc glacial l'été, étouffant l'hiver. On vous offre un nouvel
open space aux meubles clairs, vitrine pour les clients chinois et le médecin du travail, qui visitent lorsque les locaux sont vides. C'est convivial, pas de gens enfermés derrière une porte, chacun son casque sur les oreilles pour ne pas entendre les autres et avoir une chance de comprendre ses propres interlocuteurs téléphoniques.



A l'annonce d'un déménagement, l'effervescence est grande. Puis l'apathie s'empare des individus, ponctuée de discussions sur l'injustice du monde, l'inhumanité de nos dirigeants inconscients du travail supplémentaire qu'ils nous causent, et les déclarations laminaires du style "
Je m'en fous, je jette tout, et ils pourront toujours chercher le dossier Bidule".

Bref, vous vous retrouvez parfois seule, avec de la chance à deux. Il existe encore des gens responsables et solidaires dans cette vallée de larmes qu'est le travail en entreprise. Mon
alter ego, copine et employée consciencieuse, est là. Elle a une très grosse partie du travail à effectuer : la bibliothèque et toute la documentation. Elle me propose néanmoins son aide, me suggère ce à quoi j'aurais dû penser toute seule, et fait semblant de ne pas voir que mon cerveau est en panne devant ce bouleversement.

Tandis qu'elle soulève des tonnes de livres et de poussière, je pousse un bloc-tiroirs à roulettes dont le chef ne veut plus. L'informatique ne nous a pas permis d'éliminer beaucoup de papier : il y a toujours autant besoin de rangement : on récupère donc le mobilier suceptible de servir et on recycle. Rouillées par dix ans d'inactivité, les roues rechignent sur la vieille moquette. "
Aïe, mon orteil !" Sous le choc, les tiroirs, mal scotchés à la hâte, s'ouvrent. En voulant les refermer, j'aperçois un papier oublié parmi les taches d'encre. Une écriture bleue et une noire s'entremêlent. Je lis :

- Dugenoux est maqué avec la folle du deuxième. Tu le savais ?
- Pas possible ! Mais elle n'est pas mariée ?

- Si, c'est ça qui est marrant !


Je jette négligemment le
pibosse parmi les débris qui jonchent déjà le couloir, en rigolant intérieurement, et je continue le déménagement.

A midi, nous faisons une pause sandwich. Ma collègue, l'oeil rigolard et l'air mystérieux plonge la main dans sa poche et me dit : "
Tu ne devineras jamais ce que j'ai trouvé !" Et elle me montre le papier jeté quelques heures plus tôt. Nous éclatons de rire, je lui raconte qu'il était dans le bureau du chef, puis nous nous perdons en conjectures. Nous ne sommes pas d'accord sur l'identité de la folle du deuxième. Plusieurs personnes méritent ce sobriquet.

Et pourquoi communiquer par post-it interposés alors qu'un échange de courriels aurait été plus discret ? A moins qu'il ait eu lieu durant une réunion. Oui, c'est sûrement ça. Qui sont les protagonistes et pourquoi le chef l'avait-il dans son tiroir ?

Encore une de ces énigmes de bureau qui aura la vertu de déclencher nos fous-rires à tout bout de champ et pour longtemps. Il suffira de dire par exemple "le post-it du deuxième bureau". Le plus amusant c'est que nous serons les seules à comprendre.

Quand on a la chance d'avoir une complice, on rit de peu mais beaucoup.



© Loïc Secheresse/Labo Furieux


Aucun commentaire: