Dans sa soif d'asservir la nature, l'Homme a de tout temps voulu combattre les animaux les plus puissants afin de s'en nourrir, de façon symbolique autant que réelle. Après celui de l'ours et du cerf, le culte du taureau se retrouve dans toute l'Europe.
Continent qui porte d'ailleurs le nom de la princesse phénicienne enlevée par Zeus métamorphosé en taureau blanc.
Qu'on lui décore les cornes avec des fleurs comme chez les Vikings lors des fêtes de printemps, ou qu'on le combatte à mains nues pour le faire s'agenouiller dans le sable de l'arène comme en Crète, partout il finit par être sacrifié.
Combattre un animal aussi puissant, symbole d'abondance et de fertilité, c'était se montrer valeureux, prouver qu'on pouvait dominer la nature pour nourrir et défendre les siens.
Héraclès combattant le taureau sur un vase antique
Hélas, cette belle image se gâte quand le taureau affronte non pas un mais dix hommes, à cheval ou à pied, qui le blessent et l'affaiblissent progressivement, jusqu'à ce qu'il tombe, épuisé, et qu'on lui donne le coup de grâce. Quelle grâce d'ailleurs, après la souffrance qu'on lui a infligée ?
La corrida, survivance des jeux du cirque, en garde le parfum sulfureux du sang versé et de la joie mauvaise face à la puissance définitivement terrassée.
Le sacrifice de l'autre - homme ou bête, symbolique ou réel - fait croire au naïf, ne serait-ce qu'un instant, que lui au moins a échappé à l'horreur. Il est sauf, il est du côté des puissants !
Qui peut prétendre aujourd'hui tuer par nécessité ? Nous ne sommes plus dans une société primitive pour ce qui concerne la nourriture. Pourtant, nous continuons à nous nourrir principalement de viande. Ceux qui poussent les hauts cris pour interdire la corrida – et je ne dis pas qu'ils ont tort - devraient aussi se demander si les modes d'élevage et les abattoirs ne sont pas le summum de l'hypocrisie en la matière. Accepter le sacrifice mais se voiler la face, cacher l'horreur que nous ne saurions voir, semble leur convenir.
Pour ma part, tant que je n'ai pas réussi à rejoindre les rangs des végétariens, je ne vois pas au nom de quoi j'interdirais aux autres ce que j'autorise implicitement en acceptant de manger de la viande.
Quant aux jeux du cirque, nous pourrions en être les héritiers pacifiques.
La lutte, la course, le jeu, tout cela est nécessaire à l'être humain.
Laissons donc les gens du Sud maintenir leurs traditions, courir dans les rues avec les vaches et les taureaux, pratiquer la corrida portugaise (sans banderille ni mise à mort).
Et pendant que nous y sommes, arrêtons de baisser les visières des casquettes pour ne pas voir que les jeux olympiques prétendument pacifiques, impliquent eux aussi tant de sacrifices humains, tant ils sont devenus depuis longtemps un enjeu politique et économique tout aussi malsain.
Mais j'ose espérer un peu moins de cruauté, sans pour autant jeter les traditions aux orties.
Liens :
Liberté d'expression et tauromachie
Un enfant torero interdit en France
Le CRAC (Comité anti corrida)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire