Bonjour à vous qui passez par là. Merci de votre visite. Laissez-moi un petit commentaire, ça fait toujours plaisir.

8 janv. 2009

De feu et de glace



Texte écrit pour la Petite fabrique d'écriture, inspiré par le tableau de Joëlle Chen, visible en cliquant ici.


Au matin, elle s'était engagée sur l'étroite passerelle. « Avance ! » disait la voix, « Tu n'as pas le choix ». Elle avait commencé à quatre pattes car elle perdait l'équilibre. C'était si beau autour ! Sûrement, ce serait encore mieux de l'autre côté.


Elle continua debout, accoutumée maintenant à la souplesse des planches. Prise au jeu du balancement, elle esquissa un pas de danse, jouant à descendre le pied dans le vide, bras en balancier et mains tendues vers la rougeoyante et attirante clarté. Accélérant le pas, elle s'étira plus loin, transpirant, haletant, dans la chaleur, puis la brûlure. Au seuil de s'embraser, elle recula, son pied glissa, pour se rétablir de justesse. Elle avait failli être happée par la fournaise.


D'abord à genoux, puis cahin-caha, elle reprit son avancée, retrouvant peu à peu la cadence, puis se risqua à regarder de l'autre côté, se pencha dans une gracieuse révérence, encore un peu, plus bas, vers la scintillante et trompeuse clarté, jusqu'à toucher la glace. Epouvantée, les orteils déjà translucides, le ventre dur et le cœur froid, elle comprit que le côté clair était lui aussi mortel.


Elle se releva encore, titubante, chancela, rampa, se traînant sur les planches rugueuses. Elle n'écoutait plus la voix qui lui disait toujours d'avancer. Lui obéir ? Pourquoi ? Rester là. Ou bien plonger. Mais de quel côté ? Elle se remit tout de même en route, sans trop savoir pourquoi, peut-être parce qu'elle avait dépassé le mitant de la passerelle. Epuisée, elle avait perdu le tempo de l'après-midi.


Elle progressa encore sur l'étroit passage, sans vraiment l'avoir décidé. Au soir, elle était péniblement parvenue dans le dernier tiers du petit pont. La lumière déclinante lui cachait l'issue de la traversée. Elle se retourna. « Tout ça pour ça ? », se dit-elle. Puis elle recula, ferma les yeux, et plongea doucement, comme une feuille morte portée par la brise, pour disparaître dans les profondeurs glacées.




retour en haut de la page

Aucun commentaire: