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14 juin 2007

Châtiment du lundi



Il fait encore nuit dehors. Les néons semblent plus froids que le givre sur les vitres. Je dépose la masse mouvante qui cherche aussitôt à s’enfuir d’une tentative à gauche, d’un glissement à droite, puis essaye de se couler sous la table. D’un revers brutal, je la plaque sur la table, presque allongée dessus pour l’empêcher d’aller plus loin, je la pousse vers le mur, la maintient de tout mon poids, saisissant à tâtons la lame et la perforatrice.


Je pousse un soupir de dégoût devant ce tas informe blanc et bistre. Il ne faut pas que ça traîne. Je vais m’en débarrasser au plus vite.

J’insère une première fois la lame acérée. D’un geste rapide et précis, je fends la pliure, ça crisse sous la blessure, j’ouvre et fouille de deux doigts. Tiens, du rouge et même du jaune au milieu de tout ce blême ! J’écarte les bords, j’extirpe le contenu et le dépose à ma droite. Inciser, écarter, ouvrir, tirer, recommencer. Pendant de longues minutes, seul un bruit de déchirure et le flop de ce que je jette à ma droite brisent le silence.


Un mètre cube plus tard, le tas s’est reformé au bout de la table, en petits rectangles pâles. Rien ne bouge cette fois. Allons, un peu de concentration. Ne pas se laisser distraire par quelque forme inédite ou par un contenu plus coloré que la triste enveloppe l’aurait laissé prévoir. Je trie, étale chaque pièce séparément, la glisse sous le métal de la machine. Fffrrrr, crrrummboum, fffrrrr, crrrummboum, la valse de l’emporte-pièce envahit les lieux comme un bal de boiteux.


Je sursaute au claquement d’une porte. On vient ! Des voix dans le couloir. Vite, tout doit être fini avant l’arrivée de l’équipe. Je ramasse les débris, les tasse au fond de la corbeille, jette un emballage par-dessus. Il est neuf heures trente. Je prends les piles triées sur la table, et je disperse en hâte aux quatre coins du bureau le courrier que je viens d’ouvrir et de trier. Chacun trouvera le sien en arrivant.


En souvenir de matins nauséeux au bureau, 1998.

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