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10 juin 2007

Caisse à savon

Chronique de l'impasse (hiver)



Scriitchhh, scritch, frrtt, frrt, scritch. Raaomm, chpang !

Scritch, scritch... Fllliiiich !


Le salon, mollement bercé par le sempiternel reportage dominical sur les oeufs de serpents python-bicolore-de-rocher en sud Tanzanie, s'agite soudain d'un furtif signe de vie.


Froncement de sourcils interrogatif, bâillement. Une main émerge mollement de derrière un coussin, frôle la tasse de café refroidi et retombe le long du canapé, ratant de peu le pauvre yucca qui n'avait rien demandé à personne.


- Mmmm, c'est quoi ??

- Chais pas !


Une ombre sur le plancher s'étire comiquement vers la fenêtre, cache un instant le amas de coussins sous lequel repose une forme indéterminée. Une jambe, puis deux, se plient au ralenti. Demi-tour gauche, les pieds prennent enfin contact avec le plancher des vaches.


Scrritch, scrritch. Raaom, chpang !


- Il doit y avoir un OVNI qui a atterri dans l'impasse.

- Mpfff ! Hi hi ! Qu'est-ce que tu racontes ?

- Ben quoi ? Moi si j'étais extra-terrestre, je choisirais le dimanche après-midi pour envahir la Terre. Je suis sûr que ça passerait totalement inaperçu. Surtout avec le temps qu'il fait !

- Ouais ben moi, à leur place j'essaierais la discrétion. On dirait qu'il a crevé un anneau d'énergie ton OVNI.

- Chhhuuut, écoute ! Ça fait d'abord chpang ou d'abord frrt scritch ?

- D'abord scritch !

- T'es sûre ?

- Non. M'en fous.

- Eh, faut pas s'en foutre, c'est l'avenir de la Galaxie qui est en jeu là.

- Tu rigoles ou quoi ? Tout ça c'est pour que j'aille voir ce que c'est. Je te connais hein !

- Hi, hi ! Ouais. Comme ça, quand tu seras debout, tu pourras nous faire un nouveau café chaud. Et p'têt même avec un bout de gâteau au chocolat pour le dépannage en énergie.

- Booon, puisque t'insistes...1, 2, 3, j'y vais !


Un énorme chpong, badabong, ouiiiiiiiiin ! Retentit au même moment.

Saut en avant, rétablissement sur le coin de la table basse, oscillation, moulinets des bras. Et badabam, le yucca se retrouve dans les tasses.


Repoussage de yucca et de terre avec le pied, levage comme un ressort de sur le canapé, ouverture, ou plutôt arrachage des vantaux de fenêtre, penchage comme un seul homme vers l'impasse.


Et là, juste sous le garde-corps, une des plus belles « caisse à savon » que j'ai jamais vue, renversée dans une flaque d'eau glacée. Le pilote, vexé, braille à qui mieux mieux en se frottant alternativement le genou et les yeux.


La soucoupe est (ou devrais-je dire « était ») solidement constituée d'un ex-baby relax éventré, d'un mat flanqué de son élégante voile aux couleurs déjà vues sur une corde à linge du quartier, le tout reposant sur quatre roues Aubert (garanti cinq ans en utilisation normale).

- T'as mal où ? Attends, bouge pas, je viens.

- Non, j'ai même pas mal.

- Alors pourquoi tu pleures ?

- Parce que j'ai cassé ma voiture.

- Tu veux un bout de gâteau au chocolat ?

L'extra-terrestre nous jette un regard aussi larmoyant que farouche, ramasse le mat et la voile, et s'en va en clopinant, tirant derrière lui, cahotant sur les pavés, le châssis Aubert avec une roue voilée et l'autre désaxée.

- Paaapaaa ! Paaapaaa ! Ouuuiiiinn ! Paaapaaa !


Le croiriez-vous ? Il se trouve d'ingobles fainéants abreuvés de télévision pour rire de ce terrible accident de la route.

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