Mon oeil !

Dans ma jeunesse, j'avais bon pied bon oeil.

J'aimais bien jeter un oeil au marché

Au cas où je pourrais ramasser quelque chose à l'oeil...

J'avais le compas dans l'oeil,

pour repérer les petites fringues qui m'iraient.

Et bien que je choisisse à vue d'oeil,

Je pouvais y aller les yeux fermés.

Parfois on me les offrait pour mes beaux yeux.

Quand c'était du tape-à-l'oeil,

Je faisais les gros yeux.

Même si l'on me regardait d'un oeil critique,

Je n'avais pas froid aux yeux .

Mon amoureux m'avait à l'oeil,

Car je tapais facilement dans l'oeil.

Je tenais à lui comme à la prunelle de mes yeux.

Les coquins ne pouvaient pas sans cesse se rincer l'oeil,

Ils pouvaient plutôt se mettre le doigt dans l'oeil

En s'imaginant qu'ils pourraient me regarder dans les yeux.

Maintenant, c'est à croire que j'ai le mauvais oeil,

Car je ne dors plus que d'un oeil,

Et je vous le dis entre quatre-z-yeux,

Mon regard est plus proche de l'oeil-de-boeuf

Que du regard langoureux. Cela saute aux yeux.

Il m'en coûtera peut-être les yeux de la tête,

Mais il faut les faire opérer.

Car je n'ai plus les yeux en face des trous,

et tout cela me sort par les yeux !

Je ne choisirai pas un chirurgien qui s'en bat l'oeil.

Sinon je lui rendrai oeil pour oeil.

Je le surveillerai du coin de l'oeil

Et sans tourner de l'oeil !

Si le regard est le reflet

de l'âme, la mienne est sens dessus dessous.

« Quand une femme vous parle, écoutez ce qu'elle vous dit avec ses yeux. » disait Victor Hugo. Les miens ne disent plus rien, du moins pour le moment à vue d'oeil.