Le carnet

Les petits carnets, j'adore. Les grands aussi je les aime. Bien qu'ils finissent toujours par trop ressembler à des cahiers d'école. Ça m'ennuie. Le petit carnet, de taille raisonnable pour emporter dans la poche ou dans le sac, ça c'est classe !

Oh, il ne contient pas les notes que l'on s'arrachera lorsque je serai devenue célèbre, avec sentences phiosophiques et brouillons de chefs-d'oeuvre. Non, juste quelques folies qui me passent par la tête, au fur et à mesure qu'elles se présentent parce que cela m'amuse, m'inspire, ou me défoule. Les comptes (assez succincts) avoisinnent avec des recettes de cuisine et une ou deux listes ou schémas qui resterons en l'état pour la plupart.

C'est dire s'il est très secret... Il peut contenir les pires insultes, dégouliner des plus « grands » sentiments, il me donne toujours raison et en plus, je n'ai pas besoin de m'y appliquer puisqu'il n'y a que moi qui le lit.

Je le trimbale partout avec moi, le consulte de temps en temps pour retrouver mes ébauches d'élucubrations ouèbe. Bref, un petit morceau de romantisme dans mon sac qui me donne l'illusion d'avoir toujours quelque chose à dire.

Soyons honnête, je n'ai pas besoin de carnet pour trouver un grain de sel à jeter dans toutes les conversations, mais il m'a plusieurs fois évité d'arracher les yeux à quelque rombière ou gros macho. Il a suffit que je trouve rapidement un appui pour écrire tout ce que j'aurais aimé dire, dépeindre avec la plus noire grossièreté ce que je pense de son allure, de ses faits et gestes, sans oublier de mentionner mon extrême grandeur d'âme (pour avoir tu ces légitmes sentiments furibards).

Qu'il ne tombe point entre des mains malhônnêtes, s'en serait fait de moi comme on dit dans Tintin et Milou !

Naturellement, je suis extrêmement jalouse des superbes carnets de voyage de certains talentueux globe-trotters. Mais à quoi bon espérer la venue du talent au-delà du quart de siècle ? Il se serait déjà manifesté s'il y en avait un soupçon en moi. Et comme je ne globe-trotterai probablement pas beaucoup, restons-en au carnet de métro.

Et puis... en surfant au hasard, je découvre mon insondable manque d'imagination. D'autres ont aussi eu en leur possession un petit carnet. Et au lieu d'y transcrire leur mauvaise humeur congénitale, ils ont décidé de le faire circuler et de le faire remplir par tout un tas de gens différents. Tout le contraire de mes cachotteries de recettes de cuisine jalousement ficelées au fond de mon sac à main. Ils appellent ça un carnet de vie. Toute son aventure est en ligne.

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Bonne lecture.