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24 févr. 2008

Mission en principauté d'Hamonia



Lili, notre Lili familiale et nationale, en plus d'être une belle personne soucieuse des autres et pleine de vie, est une archéologue passionnée par son métier.
Voici son premier message depuis la principauté d'Hamonia où elle
est actuellement en mission.



Voilà une dizaine de jours que je suis dans la principauté d'Hamonia…

Tout va bien pour moi. Aujourd’hui a été une journée très difficile mais c’est dû aux conditions climatiques. Eh bien non, même dans un pays chaud, le temps n’est pas toujours des plus clément ! Depuis hier, le vent souffle avec une force à décorner les bœufs ! Heureusement pour eux, il n’y en a pas ici, quelques petites vaches seulement.


Je travaille dans une équipe franco-italienne. Nous sommes quatre Français et trois Italiens. Du coup, on mange des pâtes tous les soirs ! Pasta pasta ! Et du riz régulièrement aussi (ça ne me change donc guère du reste de l’année !), pour les victimes de la tourista… Je ne suis pas concernée. Tant mieux !


Promiscuité et douche froide

Ce qui m’amène à vous raconter les conditions de vie en collectivité… Le Ministère hamonien de la culture nous prête un appartement. Mais nous ne sommes pas que les sept fouilleurs du site à l’occuper… Selon les jours, selon les arrivées et départs d’autres chercheurs, archéologues, ichtiologues, photographes… nous sommes nombreux dans un appartement avec un double salon, deux petites chambres et une unique salle de bain avec toilettes.
Nous avons été jusqu’à quatorze dans cet appart’, tous plus sales les uns que les autres après les fouilles, avec toujours une envie d’aller aux toilettes quand quelqu’un est sous sa douche.

Je ne souffre pas particulièrement de cette situation, mais c’est vrai que ce n’est pas de tout confort. Dormir par terre, manger avec son assiette sur les genoux, attendre pour prendre sa douche ne sont pas vraiment des problèmes pour moi. C’est plus le fait de ne jamais avoir un moment de solitude, de calme, de repos, de moment à soi qui me manque. L’ambiance est bonne, mais on se croit un peu dans une expérience de laboratoire : une petite boîte où l’on introduit beaucoup de rats et on observe ce qui se passe. Les dominants finissent pas dévorer les dominés ! On n’en est pas encore là, mais j’ai déjà appris que la politesse n’a plus lieu d’être ici : quand la douche se libère, ne demande pas aux autres si quelqu’un a besoin d’aller aux toilettes ou veut prendre la salle de bain, car c’est toi qui finira avec de l’eau froide !

J’ai compris la leçon, on ne m’y reprendra pas à deux fois : je surveille la porte avec mes affaires prêtes et j’y vais quand l’occasion se présente ; les touristeux n’ont qu’à se « démerder ». C’est comme ça que ça marche ici ! Enfin, j’exagère, il n’y a qu’aujourd’hui que je me suis autorisée à faire ça, le reste du temps, je prends ma douche la dernière.


Je vous donne peut-être l’impression que c’est difficile alors que l’ambiance est bonne. On est trop nombreux, mais ça reste sympa. Outre les Français et Italiens, il y a un Canadien et des Américains, et puis, il y a une autre Lili, qui est Belge. Entre francophones, on parle Français, bien sûr, mais on entend beaucoup parler Italien (ils parlent fort et sont nombreux alors on les entend beaucoup forcément !) et Anglais.


Conditions de travail

A tout ce mélange culturel, ajoutons que nous sommes en principauté d'Hamonia, pays arabophone, et qu'un tiers de la population de ce pays n’est pas Arabe, mais Pakistanais et Indien !

Par exemple, sur le site, le ministère nous a proposé le service d’une douzaine de Pakistanais, qui ne parlent ni Français, ni Italien, ni Arabe, ni Anglais… Ce n'est pas facile de leur expliquer pourquoi ils sont là, pourquoi nous sommes tous là, ce qu’il faut faire, ne pas faire, etc. Ce sont des ouvriers qui n’ont jamais fait d’archéologie de leur vie et qui ne sont là que pour faire vivre leur famille qui est restée au Pakistan ou en Inde et qu’ils n’ont pas vue depuis plusieurs années…
Et tout ça pour un salaire entre huit et neuf fois moins élevé que le nôtre !!

Voilà, j’entame le sujet sensible… Je formule ce mot que l’on évite de prononcer : le sort de ces Pakistanais est proche de l'esclavage. Notez bien qu’en plus d’être payés beaucoup moins que nous, ils font le travail le plus ingrat, doivent payer leur repas du midi, leur eau, et d’ailleurs devraient être payés le 24 du mois, mais à l’heure actuelle (le 2 février) n’ont toujours pas perçu leur salaire de janvier…

En fait, j’ai du mal à vivre cette situation…

Ça me gêne beaucoup. Ça me rappelle Madagascar, quand les jeunes femmes de l’orphelinat où je travaillais commençaient à venir se confier à moi et me dire qu’elles n’avaient pas été payées depuis plusieurs mois, alors qu’elles travaillaient dur pour un horrible personnage ! C’est délicat comme situation. Je ne peux rien faire pour eux, si ce n’est leur faire des sourires et me battre pour qu’on apporte plus d’eau sur le site pour qu’ils puissent en profiter, ou partager notre sérum physiologique avec eux les jours de très grand vent, comme aujourd’hui, pour qu’eux aussi puissent pleurer les larmes de sable et de crasse que nous accumulons sous nos paupières.


Un site vieux de 7000 ans


Le site sur lequel je fouille est un site du Vème millénaire avant J.-C. comprenant de l’habitat et un cimetière, un des plus vieux de ce type connus. Il est situé sur un cap surplombant la mer, dans un des quartiers de Hazmath, la capitale. Je suis ici pour fouiller le cimetière, mais nous n’en sommes pas encore là. Pour le moment, c’est encore le décapage qui nous occupe. Il s’agit de retirer tout le sédiment qui recouvre les couches archéologiques. Et tout ceci à la pelle et à la pioche… C’est laborieux ! Je n’ai pas encore déchiré mon T-shirt avec mes muscles, mais je crois tout de même avoir pris des biscotos !


Quelques sépultures commencent à apparaitre, mais nous ne les fouillons pas encore ; nous terminons le décapage en espérant que cela ne prendra pas trop de temps, que ça n’empiètera pas trop sur la fouille. Les archéologues qui ont fouillé là les années précédentes ont constaté dans la population observée un pourcentage anormalement élevé de spina bifida (une maladie génétique provoquant un handicap physique important – visible sur un squelette sur le sacrum). Cela fera partie de nos problématiques de fouilles : attester ou non ces observations.

Pour le moment, je n’ai pas grand-chose à ajouter sur le chantier, si ce n’est que sa situation (sur un cap surplombant la mer) fait que tout est décuplé : quand il y a du soleil, il fait très chaud (je prends doucement des couleurs) et quand il y a du vent, c’est horrible ! Le sédiment est noir et cendreux, quand ça souffle, on se prend tout dans les yeux, les narines, la bouche et les oreilles ; on se mouche, on crache noir et on a les paupières comme des pierres-ponce. mais ça n’a duré qu’une journée. Le reste du temps, il a fait beau.


Une ville sans charme dans un beau pays

La ville de Hazmath est monstrueuse ! Une ville faite d’immeubles récents, construite autour de deux axes autoroutiers. On a l’impression de passer sa vie sur ou près du périphérique parisien !
Heureusement, le reste du pays est beau. Je n’en ai pas encore vu grand-chose, mais il parait que c’est magnifique. Vendredi, nous avons profité d’une journée de congé pour aller visiter des sites archéo dans un désert de cailloux. C’était très beau ! Ça m’a fait du bien de sortir de la capitale.

Je me rends compte que je vous assomme de détails, alors que des photos seraient bien plus parlantes. Je me suis acheté un appareil-photo numérique (il y a deux heures). La prochaine fois, je vous enverrai des photos.


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