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3 oct. 2008

Il y a un mur...







Qu'est-ce qu'un mur bien droit, bien peint, bien tout ce qu'on veut ? Ce n'est qu'une barrière !

Tandis qu'un mur usé, cassé, ébréché, c'est un vestige.


On doit le traiter avec les égards dûs à son grand âge, dû à l'effort séculaire de ses pierres pour soutenir l'ouvrage.

Et si l'on veut conserver ce vestige, il faut le reconstruire. Mais faut-il forcément le restituer dans son aspect et son emploi initial ?



photo leblogdemontreuil.unblog.fr



Dans son rôle de vestige, doit-il remonter jusqu'à sa hauteur et son aspect originels ?

A-t-il toujours le même rôle à jouer ? Non, pas toujours.


Durant les Journées du Patrimoine, on peut visiter les murs à pêches.

Ce sont les anciens terrains agricoles de Montreuil, constitués de petites parcelles entourées de murs destinés à accueillir les arbres fruitiers en espaliers. Principalement des pêchers, autrefois la spécialité de la ville. Peints à la chaux, ils captaient bien la lumière du soleil et conservaient sa chaleur, favorisant la croissance des fruits.



Une vue du Jardin de la Lune


J'aime cet endroit. On y accède par une venelle juste assez large pour les brouettes et les ânes, entre des murs, comme dans les ksour des oasis du Sahara. Petite nostalgie, sensation de protection et sentiment d'appartenance en même temps. Un lieu chargé d'affectif.


Les termes « visiter » et « murs à pêche » côte à côte sonnent bizarrement aux oreilles, pour ceux qui ont toujours connu ces lieux.

Terrains de jeux de l'enfance, nid des premières amours, lieux de récolte d'herbes sauvages et de travail pour certains, et même lieux de vie pour les copains gitans.


Et voilà que maintenant, le patrimoine commun est devenu Pâtrimouaane et se visite.

Sentiments étranges et contradictoires commencent à se bousculer.


Dans l'impasse Gobétue, un homme reconstruit un pan de mur totalement écroulé. Il explique obligeamment la méthode et les matériaux employés : pierres scellées par de la terre, mais aussi plâtras pour les parties basses, puis casquette protectrice sur le faîte.



Belle amarante, plante qui donne la teinture rouge du même nom.



Il attire la curiosité de nombreux visiteurs attentifs. Un peu trop sages, comme des écoliers en sortie pédagogique.



Au Jardin de la Lune, les cultures sont regroupées en carrés

et le sol paillé pour économiser l'eau.



Plus loin, les jardins sont ouverts à la flânerie. Des fleurs et des plantes aromatiques, souvent étiquetées de pans d'ardoise peints au blanc d'Espagne, des cuves d'eau de pluie récupérée pour l'arrosage et enfin, un intéressant four à la mode africaine, en terre.



Ce four est muni de trois marches sur le côté et ouvert en haut.


Est-il destiné au séchage des plantes et des fruits ? Ou à cuire la nourriture ? Ou autre chose ? Il n'y a personne pour en expliquer l'usage.



L'intérieur du four, aménagé en clayette circulaire (elle est cassée), fait penser à un séchoir à fruits.



A l'entrée d'un des jardins, des dames assises à une table reçoivent les convives du repas médiéval. Tiens ! Aucune annonce à ce sujet ne semble avoir circulé. Les réservations sont cependant complètes. Il est midi.



Petit potiron va grossir.



Quelques oriflammes pendent aux branches des arbres (et s'y emmêlent un peu à cause du vent). Une table avec savon et serviettes, près de cuvettes remplies d'eau, accueille les convives. Au fond du terrain, des tables en enfilade, encore vides. Un groupe prend un verre de vin en attendant le frichti.

C'est tentant.



Tout ce monde-là semble se connaître, un groupe déjà formé (fermé ?).

C'est moins tentant.


On croise quelques retardataires, le vent porte des bribes de conversations, quelqu'un explique son travail avec des Roms « émancipés ». Emancipés de quoi ? De leur culture ?

Ce n'est plus très tentant.


Un jongleur lance ses massues qui dansent dans un mouvement hypnotique. Quelque part on joue de la musique. Dommage, ça aurait pu être intéressant.


Sur le chemin du retour, le pan de mur en réfection n'a plus si fière allure.

Son rôle de vestige n'est pas respecté.


Savent-ils seulement que des projets de réhabilitation existaient depuis bien longtemps, qui n'ont reçu aucun écho ?


Toutes les brèches vont-elles ainsi se refermer, cachant aux yeux des non "initiés", non admis, non adhérents, la verdure de notre banlieue, pour ne leur laisser qu'une visite annuelle ?





L'aspect parfois un peu désordonné des jardins est-il seulement l'apparence que donne à première vue la permaculture ? Ou n'est-ce que le résultat de deux mois de vacances estivales qui les ont privés de jardiniers amateurs ?


Echange de regards déçus, trahissant le même malaise.


- « Je ne me sens plus chez moi ».

- ...


- « Si ma mère voyait ça... »



Et nous partons en évoquant les jours où elle apportait sur le terrain les milliers de sacs en papier, confectionnés en famille pour quelques malheureux francs, emmenant avec elle un petit garçon qui jouait dans les fleurs au pied des arbres fruitiers.

S'approprier un tel lieu pour le réhabiliter, ne doit-il pas être dans le but de le rendre à tous ? Sinon, ce ne serait qu'un rapt de la richesse commune au profit d'une élite - quelle qu'elle soit - créant un nouveau ghetto, fut-il culturel.


Tonnelle d'un jardin "entre les murs", rue Pierre de Montreuil.



De propriétés fermées, destinées à la production privée, ils doivent devenir le bien de tous. Comment se réapproprier ces lieux sans passéisme, avec un projet directeur destiné à rendre à la ville à la fois son histoire et son avenir ?

Cette tâche difficile mérite d'être plus médiatisée, accompagnée, pour qu'une majorité de la population ait envie de s'y inscrire.


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